Affaire Arnaud MARCINKIEWICZ ou comment combattre une classe dominante fascisante ?

À l’instar de nombreux camarades — surtout dans la période —, Arnaud se voit menacé de sanction par une lourde machination montée par de petites frappes abjectes. Au moment où le monde du travail, et plus particulièrement les cheminots combattent pour les libertés, la démocratie, et contre une réforme des retraites régressive, cette attaque répond naturellement à la question : « peut-on mener un combat loyal et honnête ? ». Mais alors, quelle attitude le monde du travail doit-il adopter pour mener la lutte ?

Il ne s’agit pas de revenir sur les faits, mais tout le monde sait qu’après plus de 50  jours de grève, la bataille qui est menée fait l’unanimité. C’est pour cela que tout se passe sans heurt avec les personnels… mis à part avec quelques petits chefs malsains en quête de pouvoir. Un cap vient d’être franchi, et il semblerait que la situation dérape dangereusement vers quelque chose qui nous rappelle les heures les plus sombres de notre histoire.

Vers le retour des « 200 familles » ?1

Le 20 janvier, Macron, le président le plus mal élu de France a invité 200 patrons au château de Versailles. Ce chiffre de deux cents n’est pas sans nous rappeler ce que les camarades communistes d’avant-guerre appelaient les « 200 familles » en lien avec les « trust sans Patrie » qui manœuvraient pour améliorer leur domination — on parlait déjà de « véritable super-gouvernement international ».

Redire qu’à l’époque « l’autorité de la Nation sur ses représentants et ses gouvernements s’est avérée plus faible que l’autorité des puissances de l’argent (les 200 familles, les trusts) » nous rappelle, dans un autre contexte, ce que nous vivons aujourd’hui.

Pire, même pas deux mois après la capitulation nazie, les camarades disaient déjà que : « non seulement les trusts ont réussi à échapper au châtiment mérité, mais ils exercent en ce moment une influence croissante sur la vie de la nation. » ; et d’ajouter que « les intérêts de ces forces continuent à s’opposer à ceux de la nation », c’est-à-dire à ceux du peuple. Qu’en est-il alors de la puissance du Capital plus de soixante-dix ans après ?

Alors que nous avons vécu sous Hollande des passages en force par 49-3, maintenant le passage en force par ordonnances et les procédures accélérées, lire que « depuis 1924, toutes les mesures essentielles ont été prises par décrets-lois » — c’est-à-dire sans vote des députés — peut nous permettre de comprendre la logique qui se met en place. Car il ne s’agit pas de parler seulement de passage en force, mais surtout du côté “commode” pour les élus de ne plus voter et de ne plus rendre de comptes à leurs électeurs. Le Parti Communiste parlait alors de « dégénérescence parlementaire (…) [qui] a abouti au pouvoir personnel, à l’autocratie camouflée en paternalisme, à un fascisme de type français. » Quelle résonance avec aujourd’hui !

Un pouvoir hors de contrôle et un corps social opprimé

Finalement, « l’absence de contrôle démocratique » (du peuple envers les élus et des élus envers le gouvernement) a rendu possible le « complot » et la « haute trahison » de la part des trusts ; c’est-à-dire le « plutôt Hitler que le Front populaire » et la débâcle de 1940.

Aujourd’hui, « l’absence de contrôle démocratique » laisse un État représenté par une Haute Administration et ses sous-fifres hors de contrôles pour mettre au pas la société, de gré ou de force. Ainsi, nous glissons vers un « fascisme de type français » où chacun, qu’il participe consciemment ou non, peut dire, écrire et faire ce que bon lui semble. Pour casser la résistance, pour faire rentrer dans le rang, tout est permis !

Pour cela, « L’État détient le monopole de la violence légitime » ; et avec lui tous les serviteurs de cette cause. Les violences policières, la violence de la subordination dans les entreprises, commanditées ou à l’initiative de petites frappes en trop plein de zèle, sont légitimes et peuvent se réaliser sans aucun contrôle ; c’est-à-dire que si la finalité est de « casser du rouge », tout est possible et accepté. Et que tout prétexte pour est forcément « vrai » et indiscutable.

Clairement, dans ce cadre, les arguments pour sanctionner Arnaud sont présentés comme « forcément légitimes », puisque la finalité de cette procédure autorise tout et sans le moindre contrôle. Dès lors, une bataille d’arguments qui montreraient sans difficulté le mensonge et la manipulation devient perdue d’avance puisque « s’opposer à la hiérarchie » est forcément « illégitime » !

Article 34. – Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.2

Un affrontement de classe violent assumé par un régime autoritaire

Évidemment les institutions ne légitiment que l’affrontement dans un sens ; les dominés n’auraient pas leur mot à dire. Mais plus la classe dominante se sent perdre la face sur un sujet — ici la réforme des retraites — et plus la violence se décuple. Si cela peut être bon signe, beaucoup peuvent y laisser des plumes, et en termes de violence, l’État a encore de la marge pour taper encore plus fort.

La lutte des classes est une affaire totalement politique. Et faire de la politique pour le monde du travail est une nécessité pour arriver à tenir l’affrontement. On pourra alors riposter plus fort. Ainsi, la procédure envers Arnaud devient une affaire totalement politique. Nous devons l’assumer comme telle et l’intégrer dans la lutte actuelle.

Il n’y a que deux camps et tous ceux qui participent à la machination deviennent des ennemis de classe et sont, de fait, un obstacle pour le monde du travail. Car au bout de 56 jours d’un conflit d’une puissance inégalée depuis des décennies, la seule réponse d’une direction qui ne respecte rien est une machination de bas étage. Pouvons-nous continuer ce combat totalement déloyal ?

Depuis plusieurs années déjà, le dérapage antidémocratique et autoritaire nous fait passer d’une République bourgeoise à un régime politique autocratique où — par définition — plus aucun compromis n’est possible. Cet état de fait se transpose naturellement dans l’entreprise.

Article 35. – Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.2.

Il ne nous reste alors plus aucune solution à part « renverser la table ». Il est indispensable de continuer à développer la démocratie dans le mouvement, car outre le but, c’est avant tout un moyen pour y parvenir.

PAS DE LIBERTÉ ET DE DÉMOCRATIE SANS RÉVOLUTION !

1 Cf le discours d’André Marty lors du Xe congrès du P.C.F. en juin 1945 disponible sur http://rougesvifs.org/?p=391

2 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793