Ce droit universel qui doit être élaboré et mis en place dans cette société capitaliste survivra — et participera — à la révolution ; il gardera sans aucun doute toute sa pertinence dans une société communiste. En effet, la mise en commun et la gestion des personnels pour organiser et faire fonctionner toute la société nécessitera, même après avoir aboli le lien de subordination et le « marché du travail » capitalistes, d’imposer à tout à chacun une période de sa vie, une partie de son temps, au service du peuple. Bien évidemment, toute l’organisation du travail au service du peuple reste à construire en fonction des besoins et des choix démocratiquement faits. Ce qui peut cependant déjà être établi, à partir des prémices existantes et en développant les déjà-là révolutionnaires, c’est un âge à partir duquel chaque citoyen pourra vivre et travailler librement.
Voilà l’enjeu révolutionnaire de la mise en place d’un âge politique unique où chacun se verra mis en retraite impérativement et indépendamment de son parcours, de sa vie, de sa profession, etc. Ce droit universel devra être assuré par la constitution.
Si cet âge peut très probablement être avancé notamment en raison des progrès techniques permettant de libérer nos concitoyens de tâches toujours plus nombreuses, il semble que l’âge de 50 ans pourrait déjà être fixé. — mettre un âge plus jeune pourrait « détourner » inutilement les débats, mais dans les faits, l’expérience ne pourra que pousser à l’abaisser.
Le salaire à vie comme autre droit fondamental
Pour couper court au discours dominant « capitaliste », à savoir « comment financer les retraites ? », idée totalement absurde — cela reviendrait à se poser la question de savoir comment alimenter en électricité une centrale électrique — il faut placer le concept du droit universel à la retraite en lien avec le salaire à vie.
Ainsi, il ne s’agit pas de se demander à partir de quel âge on ne travaille plus, mais au contraire à partir de quel âge on peut enfin mieux travailler, et du coup mieux vivre. Un citoyen en retraite aura tout le loisir de s’organiser comme bon lui semble pour travailler, voire même créer des collectifs de travail. De cette façon, il continue à être producteur de valeur et de richesses pour la Nation. On pourrait d’ailleurs même postuler que la créativité pourrait s’en trouver décuplée — du fait notamment de l’expérience acquise, mais surtout de l’autonomie complète pour travailler à son rythme — donnant une richesse incroyable et beaucoup plus importante à cette nouvelle société communiste. De ce fait, plus les retraités seraient nombreux, plus l’inventivité et plus la valeur créée pourront être importantes. On peut alors supposer qu’une optimisation du Travail pour le peuple et pour l’organisation réelle de la société — ce que l’on pourrait appeler du travail contraint — libérera d’autant du temps pour le travail « libre ».
Le retraité travailleur dans une société communiste — et on doit finir de l’imposer dans la société capitaliste actuelle — se voit attribuer le même salaire continué dès sa mise en retraite et n’aura plus de comptes à rendre à la société ; il deviendra ainsi totalement « propriétaire » de son salaire et pourra vivre et travailler comme il l’entend.
Dans notre société, la retraite est le passage du travail subordonné au travail libéré. Dans la société communiste, sur la base du salaire à vie, la retraite est le passage du travail contraint au travail libre.
Regagner la souveraineté sur le Travail
La question des retraites est une composante particulière d’une redéfinition plus générale du Travail pour une société communiste. En effet, définir qu’une activité crée de la valeur — que l’on juge donc plus ou moins utile pour la société — et peut être considérée comme du Travail doit être décidé démocratiquement et collectivement. C’est là qu’une période de travail contraint — qui devra être encadré rigoureusement par un code et un statut — est malgré tout indispensable. Bien entendu, son organisation doit être établie et gérée collectivement par les travailleurs et usagers eux-mêmes. On peut prendre pour exemple le projet d’organisation ferroviaire communiste où les cheminots seraient dans leur période de travail contraint au service du peuple. Évidemment, ce travail crée aussi de la valeur.
C’est un enjeu majeur de la lutte des classes et une opportunité importante pour passer à l’offensive, rassembler le monde du Travail et renverser l’ordre établi à partir de nouvelles institutions communistes du Travail.
Élargir et améliorer le travail des retraités développe de fait une vision communiste du travail après une carrière dans le « marché du travail ». Ainsi, le travail libéré de l’emprise capitaliste qui est un but devient aussi un moyen pour parvenir à celui-ci puisqu’il se place « en concurrence » directe avec la vision capitaliste du Travail. Les germes subversifs qu’il porte en lui — c’est un exemple concret de travail libéré — sont un affront insupportable pour la classe dominante et c’est bien cela qui motive cet acharnement contre les retraites — et non une question de richesses qui lui échappent. C’est aussi pour cela que faire plier nos adversaires sur ce sujet sera une lutte farouche qui ne peut se reposer dans le fait d’essayer de convaincre le Capital de moins nous en voler ; ce n’est pas le sujet. L’affrontement de classe se joue bien ici, entre ces deux conceptions totalement opposées et inconciliables du Travail.
C’est un élément important à prendre en compte pour cette lutte politique qui permettra à notre classe de dégager le parasite et d’avoir une totale souveraineté sur le Travail.
Sortir du discours dominant
Le discours qui domine dans la société est celui de la classe dominante. Cela contribue d’ailleurs à ce qu’elle domine. Il ne faut pas perdre de vue qu’en baignant en permanence dans ce discours, nous nous autolobotomisons et enfermons dans un cadre sans avenir. Mener le combat sans vouloir réfléchir à des possibilités contradictoires et différentes au discours dominant ne peut nous mener qu’à la défaite. Nous sommes idéologiquement en prison ; évadons-nous !
À ce jour, plus aucun discours ne fait opposition à la classe dominante. Chacun essaie d’aménager ce qui nous est imposé. Aucune perspective politique, aucun projet de société dans son ensemble n’est donné au monde du travail. Cela crée une énorme division du monde du Travail et une énorme dispersion des luttes puisqu’aucun projet politique ne peut les rassembler et les faire converger vers une bataille puissante et subversive.
Ainsi, ceux qui réfléchissent hors du cadre, et en dehors de la société capitaliste se font passer pour des illuminés, sans doute plus par les réformistes que par nos adversaires eux-mêmes. Le monde du travail s’autocensure politiquement et s’empêche de développer des idées révolutionnaires, c’est-à-dire hors de la pensée unique et du cadre imposé par la classe dominante. Ce n’est plus possible et il y a urgence à défendre, promouvoir et développer les idées révolutionnaires pour donner un objectif sérieux à nos luttes collectives. Le peuple a besoin d’explorer de nouveaux horizons et pour cela il nous faut revoir en profondeur nos manières de penser tellement formatées par le Capital.
Nous y voilà. Affirmer que les retraités travaillent n’est pas une illumination, mais une conception différente de la société qui reconnaît la valeur d’un travail volontairement ignoré par le système capitaliste.
Qui pourrait imaginer cette société — même capitaliste — sans retraités ? Qui s’occuperait des associations en tous genres, sportives, culturelles, des ONG ? Qui s’occuperait de faire vivre la démocratie notamment dans les petites municipalités ? Quelle notion de la famille aurions-nous, si les grands-parents n’étaient plus disponibles pour s’occuper de leurs petits-enfants ? N’est-ce pas une richesse pour la société ? N’est-ce pas du Travail — qui ne nourrit certes aucun actionnaire — indispensable et d’une grande valeur pour une société visionnaire et réellement progressiste ?
Affirmons-le haut et fort, dans une société communiste, la retraite c’est du salaire, non pas par solidarité ou par récompense d’une vie de labeurs, non pas parce qu’on peut se le permettre par une juste « répartition des richesses » ; la retraite c’est du salaire qui reconnaît le retraité comme producteur de valeur. En réfléchissant de cette manière, les retraités ne « coûtent » pas 15 % du PIB, mais sont producteurs de cette même valeur.
Une caisse unique
Un droit universel implique de fait des règles communes à tous dans un régime unifié. Ainsi, chacun cotisera à la même hauteur pour le salaire des retraités dans une même caisse. Finis tous les différents régimes avec chacun ses règles spéciales. La caisse des retraites du régime général devient la caisse des salaires des retraités et les autres caisses des retraites — de base, complémentaires et par capitalisation — sont fermées et leur contenu transférés à la caisse unique.
En procédant de cette manière, nous créons les prémices d’une caisse générale des salaires — de tous les salaires — et simplifions considérablement le fonctionnement par rapport à celui actuel. Par exemple, plus de compensations entre régimes excédentaires et déficitaires, plus de disparités entre régimes. Une simplicité et une transparence imparables et surtout nécessaires au bon fonctionnement démocratique de la caisse qui devra aussi être protégée de l’emprise étatique, donc du Capital et ses orientations.
Il faut cependant noter qu’en se plaçant déjà dans une société communiste — le but est atteint — avec le salaire à vie instauré dès 18 ans, le salaire continué dès la mise en retraite se fait simplement. Par contre, ce n’est pas le cas si l’on instaure le salaire à vie à partir de l’âge de la retraite comme une première étape. En effet, passer d’un salaire capitaliste à un salaire communiste n’est pas forcément évident dans le principe.
Par exemple, si dans notre but à atteindre on vise un salaire à vie — selon la qualification — entre 2000 € et 5000 € — à peaufiner bien sûr —, le salaire des retraités devra l’être lui aussi ; et pour cela, il paraît nécessaire que les salaires capitalistes soient eux aussi encadrés par ces mêmes sommes. Le retraité disposera d’un salaire équivalent à sa qualification s’il en possède une, ou s’en verra attribuer une en fonction de son meilleur salaire. Par la suite, il pourra évidemment évoluer en qualification s’il le souhaite.
Par ailleurs, il est important de préciser que puisque le salaire du retraité versé par la caisse des salaires rémunère le travail — quel qu’il soit — de celui-ci, il ne peut toucher un autre salaire provenant d’un travail capitaliste par exemple. Dit plus clairement, il sera formellement interdit de cumuler un autre salaire une fois en retraite ; ce qui dans la philosophie du salaire à vie n’aurait aucun sens. Le salaire communiste ne dépend pas de la tâche réalisée, d’un collectif du travail ou autre, il en est totalement indépendant. Ce sera d’ailleurs un principe à généraliser pour l’ensemble du monde du Travail.
Dans l’absolu, si le retraité voulait continuer à être exploité par un capitaliste — on peut lui en laisser la possibilité puisqu’il est totalement libre de son travail —, son employeur ne pourra en aucun cas lui verser un salaire. Ce serait d’ailleurs une belle démonstration du salaire communiste indépendant même dans le monde capitaliste.
La cotisation est un élément fondamental du salaire à vie. Étant donné que dans cette première étape — déjà bien avancée depuis plus de 70 ans — le salaire à vie ne concerne que les retraités, la cotisation prélevée sur toute la valeur ajoutée — sans exonération possible — doit être définie pour correspondre aux salaires à reverser aux retraités. Une seconde étape pourrait être rapidement envisagée : celle qui consisterait par exemple à verser les salaires — dès 18 ans pour leurs études — à partir de cette même caisse aux personnels de santé en redirigeant et fusionnant une partie des cotisations déjà existantes de la branche maladie de la SÉCU.
Une autre étape pourrait consister à verser les salaires des fonctionnaires — toujours à partir de cette même caisse — en augmentant la « cotisation salaires » et baissant d’autant les impôts.
On remarque alors que pour arriver à instaurer le droit universel à la retraite — en lien direct avec le salaire à vie —, il nous faut lancer une dynamique qui viserait la socialisation complète de la valeur créée. Il se pose effectivement la question de savoir s’il est préférable et/ou possible de procéder par étape ou de procéder à la socialisation complète de la valeur créée chaque mois en une fois. Si la première méthode peut sembler plus abordable, elle nécessitera une assiduité énorme pour ne pas se laisser détourner de notre objectif final.
En résumé et concrètement
- Instauration du droit universel à la retraite garanti par la constitution. Il comprend un âge unique de mise à la retraite : 50 ans, qui garantit — dans un premier temps — au peuple français un salaire à vie à partir de cet âge, et le libère de toute obligation.
- La caisse de retraite du régime général est rebaptisée « caisse des salaires » et les autres caisses et régimes sont fermés.
- Les différents prélèvements et cotisations existants concernant les retraites sont transformés en « cotisation salaires » à taux unique correspondant aux salaires des retraités.
- À partir de 50 ans, le nouveau retraité perçoit un salaire à vie entre 2000 € et 5000 € que l’on doit faire correspondre au salaire continué de sa carrière (attribution d’une qualification, si nécessaire).
- Il faut sans attendre alimenter la dynamique pour élargir le salaire à vie — donc la caisse unique des salaires et la cotisation salaires — à d’autres populations comme les professionnels de santé, fonctionnaires — etc. — dès 18 ans.
Élaborer un nouveau discours pour affronter celui dominant est indispensable pour faire converger les luttes et viser à renverser la table. Rester dans le cadre imposé est mortifère et nous oblige à nous autocensurer politiquement. La division du monde du Travail ainsi engendrée est énorme. Prétendre que nous pouvons nous émanciper dans cette société capitaliste en ne proposant que de l’aménager en permanence est soit de la bêtise, soit une trahison. D’ailleurs nos adversaires ne nous laissent plus rien à aménager…
La notion de Travail dans une société communiste ne peut être identique à celle dans une société capitaliste. Les retraités expérimentent la vision communiste du Travail et le droit universel à la retraite solidifierait sérieusement le pied que l’on a dedans en attendant de rentrer entièrement.
Avec le droit universel à la retraite,
expérimentons le salaire à vie et la liberté dès 50 ans !